Quand vous décidez de vous mettre à votre compte, l’un des plus importants choix à faire est de définir les objectifs à diffèrent horizons de temps de votre future activité en accord avec vos valeurs et intérêts personnels. Il y a souvent deux options possibles : monter une activité lucrative pour la revendre ou développer son activité avec des ambitions pérennes et stables. Pourquoi se poser cette question alors que vous ne savez pas encore si votre idée et votre projet vont réussir à vous faire gagner de l’argent ? Simplement par ce que la forme juridique que vous devrez choisir et le modèle économique en dépendent fortement, ainsi que les moyens financiers à votre disposition ensuite (subventions, prêts bancaires, apports en capitaux, associés…).

Depuis quelques années émerge un modèle économique très intéressant à envisager, si comme moi, vous n’ambitionnez pas un enrichissement personnel : L’Economie Sociale et Solidaire (ESS).
L’ESS est entièrement encadrée la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 qui en définit les grands principes et les modalités de fonctionnement.
L’ESS : les grands principes.
L’ESS est un mode d’entreprise et de développement qui peut être appliqué à tous les domaines d’activité. Elle n’est donc pas réservée, comme souvent on le pense, à des activités purement sociales ou de service à la personne ou encore écologique.
Il y a 4 grands principes à respecter
I
Un but autre que le seul partage des bénéfices.



Nous retrouvons ici le premier principe énoncé en introduction, l’objectif premier de votre future activité ne peut pas et ne doit pas être l’enrichissement personnel ou celui des actionnaires. Ici, nous ne chercherons pas un niveau de rentabilité maximum et des distributions de dividende exubérantes.
II
Une gouvernance démocratique



Il faut définir une gouvernance démocratique, participative et transparente avec l’ensemble des acteurs dont les actionnaires et également les salariés et les parties prenantes aux réalisations de l’entreprise.
III
Les bénéfices sont majoritairement consacrés à l’objectif de maintien ou de développement de l’activité de l’entreprise ;



Il est obligatoire de préserver les bénéfices de l’activité au sein de l’entreprise, soit par des investissements internes permettant de faire évoluer l’offre par exemple, soit en injectant dans les réserves.
IV
Les réserves obligatoires constituées, impartageables, ne peuvent pas être distribuées.



La création d’une réserve statutaire, dite « fonds de développement », est obligatoire. Il existe des règles de gestions entre les fonds en réserve et le capital permettant l’augmentation des parts sociales, la distribution de parts gratuite par exemple.
L’ensemble des ces 4 principes devront apparaitre dans les statuts de l’entreprise.
Il apparait déjà clairement que l’ESS porte des valeurs humaines et sociales très fortes qui semblent peu compatible avec les motivations des grandes entreprises actuelles. D’après le site du gouvernement, l’ESS représentait en novembre 2019, 2,4 millions de salarié, soit 14% de l’emploi privé, montrant bien l’émergence d’un entreprenariat social dont les valeurs ne sont pas pilotées par l’enrichissement personnel.
L’ESS : Formes juridiques
Adaptée à l’ensemble des domaines de l’activité humaine, l’ESS est définie comme « composée des activités de production, de transformation, de distribution, d’échange et de consommation de biens ou de services ». Nous voyons bien que l’ESS peut s’appliquer à l’ensemble des offres de valeurs d’une entreprise. Les 3 catégories de structure d’ESS sont
- Les personnes morales de droit privé : coopératives, mutuelles et assurances, fondation ou associations,
- Les entreprises solidaires qui bénéficient de droit de l’agrément ESUS : entreprises adaptées (EA) (emploient au moins 80% de travailleurs handicapés) et structure d’insertion par l’activité économique (IAE).
- Les sociétés commerciales d’utilité sociale qui respectent les grands principes, ont une utilité sociale et qui obtiennent un agrément.
Nous nous intéresserons essentiellement aux sociétés commerciales dont le statut d’ESS est défini par le décret n°2015-858 du 13 juillet et qui nécessite le plus souvent un agrément ‘entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS) auprès de la préfecture de leur siège social.
Reste à comprendre ce que la loi appelle « Utilité sociale ».
L’ESS : Utilité sociale
L’utilité sociale, inscrite dans l’objet sociale de l’entreprise et donc dans les statuts, doit remplir au moins une des 4 conditions suivantes
Apporter un soutien à des personnes en situation de fragilité
(économique, sociale ou personnelle)
Contribuer à la préservation et au développement du lien social ou au maintien et au renforcement de la cohésion territoriale
Contribuer à l’éducation à la citoyenneté
(réduction des inégalités sociales et culturelles)
Concourir au développement durable, à la transition énergétique, à la promotion culturelle ou à la solidarité internationale



Trouver des « utilités sociales » au projet La French Ruche est relativement évident et cohérent avec les valeurs de l’entreprise :
- La proposition de valeur doit donc intégrer un objectif social via une clientèle spécifique tel que les jeunes créateur d’entreprise ne pouvant bénéficier d’un environnement social favorable et ainsi réduire un peu les inégalités sociales et les chances de réussite.
- Il fait également sens de l’appliquer au potentiel recrutement à venir en s’attachant à respecter l’égalité des chances, voir même en provoquant la chance pour des profils plus en difficulté comme les personnes en handicap ou les personnes en précarité.
- Développer du lien social au sein des communautés locales avec des activités et des prestations tournées vers les besoins de la municipalité : aides aux personnes âgées, désenclavement des campagnes, facilités la vie des salariés et préservés leurs bien-être en limitant les distances parcourues…
- Utiliser des matériaux et des méthodes de construction et de rénovation durable et écologique : rendre la French Ruche le plus autonome en termes d’énergie et de consommation d’eau ; réduire l’empreinte carbone des futurs utilisateurs et clients.
- Il y a encore plein de possibilité pour améliorer l’utilité sociale du projet et notamment dans la création de valeur et dans le segment de clientèle mais aussi dans les partenaires choisis.



Le projet La French Ruche va très certainement se concrétiser avec une forme juridique d’entreprise commerciale et un statut de SAS(U). Afin d’évaluer le sens de se développer dans le cadre de l’ESS, focalisons-nous sur les sociétés commerciales.
L’ESS : Sociétés commerciales
Pour être qualifié de sociétés commerciales ayant la qualité d’entreprise d’ESS et ainsi recevoir l’agrément ‘Entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS), l’entreprise doit inscrire dans ses propres statuts l’ensemble des éléments permettant de respecter les principes et conditions de l’ESS.
L’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS) sous l’appellation d’entreprise de l’économie sociale et solidaire.
Les sociétés de type SARL, SAS ou SA peuvent se faire enregistrer sous l’appellation d’entreprise d’ESS si les 5 valeurs suivantes sont respectées et inscrites dans les statuts :
- Bénéfices de la société sont majoritairement alloués au maintien ou au développement de son activité,
- Une gouvernance démocratique,
- Fond de développement impartageable et non distribuable est constitué.
- Objet social de la société doit présenter au moins l’une des trois utilités sociales suivantes : apporter un soutien aux personnes fragiles, contribuer à la lutte contre les exclusions et les inégalités ou concourir au développement durable, à la transition énergétique ou à la solidarité internationale.
- Principes de gestion suivants :
- Au moins 50 % des bénéfices alimenter le report bénéficiaire et les réserves obligatoires,
- Le fonds de développement doit se voir affecter 20 % des bénéfices, tant que le montant total des diverses réserves n’atteint pas 20 % du capital social.
- Interdiction d’amortir son capital et de procéder à une réduction de celui-ci non motivée par des pertes, sauf si cela assure la continuité de l’activité.
L’Agrément « entreprises solidaire d’utilité sociale » ESUS
L’agrément permet en plus de l’immatriculation :
- D’avoir accès aux fonds issus de l’épargne salariale solidaire et de bénéficier de dispositifs de financement spécifiques de Bpifrance que je développerais dans un prochain article.
- De bénéficier du dispositif local d’accompagnement (DLA) et de quelques avantages fiscaux pour les éventuels investisseurs.
Pour obtenir l’agrément, les entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS) doivent remplir les 4 conditions suivantes :
- Poursuivre la ou les utilités sociales figurant dans les statuts de l’entreprise,
- Démontrer que l’utilité sociale impacte le compte de résultat ou le prévisionnel de manière significative
- Respecter ces 2 conditions sur les salaires : la moyenne des rémunérations versées aux 5 salariés ou dirigeants les mieux rémunérés ne doit pas excéder un plafond annuel fixé à 7 fois le Smic et la rémunération versée au salarié le mieux rémunéré ne doit pas excéder un plafond annuel fixé à 10 fois le Smic,
- Enfin, les titres de capital de l’entreprise ne doivent pas être négociés sur un marché financier (pas d’ouverture du capital en bourse a prévoir par la suite).



Pour conclure cette première approche de l’Economie Sociale et Solidaire, il apparait clairement que les valeurs défendues par le projet la French Ruche sont parfaitement en accord avec les grands principes de l’ESS et les exigences de cette dernière ne semblent pas constituées des contraintes à la création et au développement de l’entreprise. D’un autre côté, le statut et l’agrément ESUS ne sont pas obligatoire à l’entreprise pour établir des règles de fonctionnement qui respectent les valeurs défendues par le modèle. Afin de mieux comprendre ce qui peut amener des entreprises à se positionner sur le statut d’ESS, il va falloir approfondir les avantages financiers et fiscaux, les aides et les potentiels subventions existantes et s’assurer de la fiabilité du statut vis-à-vis des potentiels investisseurs et banques. Je reste perplexe sur la motivation des banques notamment à accompagner des entreprises ESS alors même que la principale valeur consiste à ne pas chercher l’enrichissement personnel. Il me faut donc continuer à investiguer le sujet sur les aspects financement et aides potentielles et également prendre contact rapidement avec France Active qui est l’un des acteurs majeurs de ce marché.
Merci pour cet article qui rejoint mon état d’esprit et me fait découvrir des pistes extrêmement intéressantes!!
Merci beaucoup, c’est une vraie orientation stratégique à laquelle je crois vraiment. Je compléterais des que j’aurais les éléments concernant les potentiels avantages fiscaux et les possibilités de financement ou de subvention.
Merci pour cet article très bien construit, instructif et qui donne de bonnes pistes à étudier.